Sadducéens vs Pharisiens
Actes des Apôtres (22, 30 ; 23, 6-11) – PSAUME (Ps
15 (16), 1-2a.5, 7-8, 9-10, 11) – Jean (17, 20-26)
Le commandant romain de la place de Jérusalem désire s’assurer que son
prisonnier est effectivement coupable et pour cela il va le confronter
au grand Conseil avec les grands-prêtres (le Sanhédrin) cette instance
est plus ou moins représentative des différentes tendances théologiques,
en particulier les Saducéens et les Pharisiens. Mais ces deux groupes
ont des options de foi qui divergent sur certains points.
Si le mouvement Sadducéen compte dans ses rangs des laïcs,
la plupart des membres appartiennent à la classe sacerdotale. Le Grand
Prêtre et les prêtres en chef occupent parmi eux les premières places,
et leur influence se fait surtout sentir dans le cadre du Temple puisqu’ils
ont le monopole des sacrifices.
Laïcs ou prêtres, les Sadducéens se recrutent de toutes manières dans
les classes aisées de la société Juive. Ils constituent un groupe assez
fermé, fondé sur le privilège de la naissance et de la fortune, et n'exercent
guère d'influence sur les masses populaires.
Proches du pouvoir, ils se montrent accueillants à l'hellénisme et conciliants
à l'égard de l'occupant romain... dans la mesure où leurs privilèges sont
sauvegardés. Ils préconisent donc la modération et s'attachent à contenir
les mouvements insurrectionnels et messianiques. C'est sans doute pour
cela qu'ils jouent un rôle important dans les récits de la Passion de
Jésus.
Rejetant toute tradition orale, ils s'en tiennent rigoureusement au texte
de la Loi dont les prêtres sont, à leurs yeux, les seuls interprètes autorisés.
Ils se montrent d'ailleurs très attachés à cette prérogative. Ils n'ont
que dédain pour les développements dogmatiques récents et nient notamment
l'immortalité personnelle, le jugement après la mort, la résurrection
et, peut-être aussi, l'existence des anges.
Ils demeurent attachés aux conceptions des anciens sages d'Israël telles
qu'elles s'expriment par exemple dans les livres des Proverbes ou de Qohélet
: pour eux, la vie de l'homme aboutit au sombre séjour du Shéol. En outre,
ils restent très distants par rapport aux spéculations apocalyptiques
de l'époque.
S'il compte quelques prêtres et lévites dans ses rangs, le mouvement
Pharisien est constitué pour la plupart des laïcs appartenant
à la petite bourgeoisie et aux classes populaires de la société juive
: des marchands, des artisans, des paysans. La formule "les Scribes
et les Pharisiens" souvent utilisée par Matthieu et par Luc, ne doit
pas introduire en erreur, si les scribes jouent parmi eux un rôle important
dans le cadre de l'institution synagogale, tous les Pharisiens n'appartiennent
pas à la classe des Scribes... et ces derniers ne sont pas tous d'obédience
Pharisienne !
En dépit de l'image peu flatteuse que les évangélistes en donnent, le
Pharisaïsme apparaît comme l'aile marchante du Judaïsme en raison de son
ouverture d'esprit : il accepte le développement progressif de la doctrine.
A côté de la Loi donnée par écrit, il reconnaît l'autorité de la
Loi donnée par la bouche, c'est à dire une tradition orale, également
rattachée à Moïse, qui, à ses yeux, possède pleine autorité pour interpréter
l'enseignement de l'Ecriture en fonction de circonstances nouvelles, parfois
en le modifiant voire en l'annulant.
Certains excès ont peut-être eu lieu, mais les docteurs Pharisiens contribuent
ainsi efficacement à l'élaboration de plusieurs points de doctrine aussi
importants que la rétribution après la mort, l'immortalité personnelle,
la résurrection des morts, l'existence des anges.
Comme l'auteur du long Psaume 119, les Pharisiens placent la Loi au centre
de leurs préoccupations. Conformément à leur principe : Fais une barrière
pour la Loi, ils ont peu à peu établi de nouvelles ordonnances afin
d'assurer plus efficacement le respect scrupuleux des prescriptions légales.
Ils en sont venus ainsi à organiser la vie tout entière, jusque dans ses
moindres détails, en l'enserrant dans un réseau complexe d'obligations
et d'interdictions.
Ils insistent fortement sur les préceptes dont l'observance est extérieurement
vérifiable : le repos du Sabbat, le paiement de la dîme, la pureté rituelle.
Beaucoup de Pharisiens semblent nourrir un profond mépris à l'égard des
Juifs qui ne se soumettent pas à leurs ordonnances (cf. Luc 18,11)
Saint Paul formé par un des meilleurs théologiens de son époque connaît
toutes ces différences et en affirmant que c’est à cause de son affirmation
sur la résurrection des morts qu’il est mis dans les chaînes, il provoque
un tollé et une grande dispute éclate au cœur du grand Conseil. A tel
point que le commandant de la garde de Jérusalem est obligé de mettre
saint Paul à l’abri et de renvoyer tout le monde.
Père JeanPaul Bouvier
Curé de Notre Dame de Nesle
& modérateur de sainte Radegonde
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