20 mai 2012
Fort Neuf de Vincennes
Retour en haut de la page
|
Discernement
Voulant remplacer Judas qui est mort après avoir livré Jésus aux grands
prêtres, les Apôtres imposent un certain nombre de critères : il
faut que l’homme qui complétera le nombre de douze soit un disciple des
premières heures, depuis le baptême par Jean jusqu’à l’Ascension en passant
par la Passion. Il sera ainsi un témoin véridique – identique aux Apôtres
– de l’ensemble du ministère de Jésus sur terre.
Ne correspondent à ces exigences que deux hommes : Matthias et Joseph
Barsabbas surnommé Justus. Il peut paraître surprenant qu’il n’y ait que
deux personnes qui répondent à ces critères sur les cent vingt qui entourent
les Apôtres ce jour-là. Mais c’est un de trop pour conserver le chiffre
symbolique de douze qui montre la volonté du Seigneur de marquer la continuité
avec les douze tribus du peuple choisi, libéré de l’esclavage d’Egypte.
Pour que la décision vienne de Dieu, les Apôtres ont recours au tirage
au sort.
Il ne s’agit pas d’une simple loterie, le tirage au sort était une institution
dans l’Ancien Testament. Le grand-prêtre lors des cérémonies avait des
ornements spécifiques en particulier l’Ephod, orné de douze pierres précieuses
représentant les douze tribus d’Israël, qu’il portait sur la poitrine ;
ce pectoral contenait l’‘Urim’ et le ‘Thummim’ (lumières
et perfections) Ce sont des objets dont la forme est ignorée mais dont
le grand-prêtre se servait pour découvrir la volonté divine dans les cas
douteux concernant la nation. Il ne les employait jamais pour s'enquérir
de cette volonté à l'égard des individus.
Le fait que les Apôtres utilisent ce moyen signifie deux choses d’une
part qu’il ne s’agit pas du sort personnel de Matthias ou de Joseph mais
du sort de l’Eglise, nouvelle nation choisie par Dieu pour porter son
amour à l’humanité ; d’autre part que les Apôtres se sentent investis
et délégués par le seul Grand-Prêtre pour l’éternité : Jésus-Christ.
A la mort des Apôtres plus personne ne correspondait aux critères objectifs
pour que leur « charge passe à un autre » (Actes 1,20)
Pour pallier cette situation, ils établiront pour leur succéder des anciens
et des chefs de communauté dans les églises locales, en définissant d’autres
ministères basés sur d’autres critères (cf. 1Timothée 32-12 ; Tite
1,6) et sans se limiter au nombre de douze.
A son tour, l’Eglise d’aujourd’hui définit les critères nécessaires pour
conférer à une personne tel ou tel ministère ; le choix dépend uniquement
de l’évêque qui discerne les besoins de son église locale, mais les critères
des ministères ordonnés ont été précisés par l’Eglise universelle lors
des différents Conciles.
Si l’évêque est le seul à pouvoir confier un ministère à une personne,
tout chrétien se doit d’aider à ce discernement en éveillant des vocations
au nom de Jésus-Christ chez des hommes et des femmes qui se présenteront
à l’évêque pour se mettre au service de l’église locale.
Père JeanPaul Bouvier
Aumônier du Fort Neuf de Vincennes
|
17 mai 2015
Secteur Vermandois
n° 817
Retour en haut de la page
|
Appartenir au monde ?
Les propositions que pose le quatrième évangéliste semblent être antinomiques :
ne pas appartenir au monde et ne pas être retiré du monde ; cette
réflexion vaut la peine de s’y arrêter quelques instants.
Le christianisme est une religion de liberté : toute la Loi se résume
en un seul commandement comportant deux facettes : « Voici
le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique
Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton
âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus
grand que ceux-là. » (Marc 12,29-31) Le disciple de Jésus n’appartient
qu’à Dieu, il ne peut appartenir à quoi ou à qui que ce soit d’autre :
« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien
il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera
l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
(Luc 16,13) Appartenir au monde serait mettre le matérialisme avant la
foi en Dieu, c'est-à-dire ne voir et ne considérer que sa propre personne.
Saint Thomas d’Aquin (1224-1274) dénonce cet aspect dans la ‘Somme
Théologique’ (q.84,1a,2ae) et met en exergue les sept péchés capitaux
(dont dépendent tous les autres) qui conduisent l’homme uniquement
vers la recherche d’une jouissance personnelle et immédiate.
Etre retiré du monde aurait un sens équivalent, dès les premiers textes
de la Bible l’homme est présenté comme un être qui a besoin d’une compagnie :
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » (Genèse 2,18)
Etre retiré du monde conduirait l’homme à une solitude qui lui serait
néfaste.
Ainsi le Fils dans son intercession pour l’humanité auprès du Père prie
pour que l’homme ne soit pas ‘du’ monde mais pour qu’il soit ‘dans’
le monde. Cette prière de Jésus est toujours d’actualité, à travers les
générations, la tradition de l’Eglise a transmis cette affirmation fondamentale :
le disciple du Christ n’appartient pas au monde, mais en aucun cas il
n’est indifférent au monde, au contraire il doit être un membre actif
de la construction de la société en ayant pour objectif l’avènement du
Royaume.
Déjà le Concile Vatican II dont nous célébrons les cinquante ans était
soucieux de répondre aux questions des chrétiens devant l’évolution de
la société humaine et invite les fidèles à participer à une réflexion
profonde sur leur responsabilités : « Mû par la foi, se sachant
conduit par l'Esprit du Seigneur qui remplit l'univers, le peuple de Dieu
s'efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes
de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont
les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en
effet, éclaire toutes choses d'une lumière nouvelle et nous fait connaître
la volonté divine sur la vocation intégrale de l'homme, orientant ainsi
l'esprit vers, des solutions pleinement humaines. » Constitution
pastorale, l’Eglise dans le monde de ce temps n°11- 7 décembre 1965) Ce
texte retentit avec une puissance renouvelée à chaque génération.
Père JeanPaul Bouvier
Curé in solidum du secteur Vermandois
|
13 mai 2018
Paroisses Nesle & Athies
Retour en haut de la page
n°1011
|
Choix de Dieu
Il paraît surprenant que les Apôtres aient recours à un tirage au sort
pour désigner Matthias comme celui qui succédera à Judas dans leur groupe.
Les critères étaient stricts : avoir suivi le Christ tout au long
de sa prédication et également être témoin de l’Ascension. Une autre caractéristique
aurait peut-être suffit pour distinguer l’un ou l’autre de ceux qui répondaient
à ces premiers éléments. Les Apôtres préfèrent laisser Dieu trancher.
Le tirage au sort fait partie de la culture religieuse juive ; c’est
de cette façon que le grand prêtre Aaron doit définir le rôle des deux
boucs présentés à Dieu le jour du Grand Pardon : à l’issue du choix
de Dieu signifié par le sort, l’un sera sacrifié en holocauste, l’autre
sera chargé des péchés du peuple et conduit hors du camp dans le désert ;
l’homme qui le conduira devra se purifier avant de revenir dans le peuple.
(cf. Lévitique 16,5-23)
Que Dieu choisisse les justes semble logique et ‘normal’, les
exemples sont nombreux dans l’Ancien Testament : Noé le seul juste
dans une humanité dissolue (cf. Genèse 6,13-7,7) ; Abraham qui croit
en la Parole qui lui est donnée (Genèse 12,1) ; Loth prêt à offrir
ses filles pour sauver des étrangers (cf. Genèse 18,5-8) ; David,
le plus jeune, est préféré à ses frères (cf. 1Samuel 16,12-13) etc…
Et dans le Nouveau Testament : « Le jour venu, il appela
ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres »
(Luc 6,13) ; « Le Seigneur dit [à Ananie] : « Va !
Car cet homme [Paul] est l’instrument que j’ai choisi pour faire
parvenir mon nom auprès des nations, des rois et des fils d’Israël »
(Actes 9,15)
Matthias est donc choisi par Dieu comme tous ces personnes et non pas
sur des qualités humaines, intellectuelles ou physiques, qui le distingueraient
des autres disciples : comme les autres Apôtres il a été choisi spécifiquement
pour cette mission !
Aujourd’hui encore, le Père choisit des hommes et des femmes pour annoncer
le Salut par le Fils selon un ministère qui leur est propre et en même
temps, il s’engage à donner l’Esprit Saint pour mener à bien ce qu’il
demande. A chacun d’entre nous il appartient de répondre avec la même
confiance que tous ceux qui nous sont présentés dans l’Ecriture.
Père JeanPaul Bouvier
Curé de la Paroisse Notre Dame de Nesle
& modérateur de la Paroisse sainte Radegonde
|
16 mai 2021
Paroisses Nesle & Athies
Retour en haut de la page
n°1218
|
Jésus prie pour ses disciples
Jésus prie pour ses disciples dans cette longue prière que saint Jean
nous rapporte. Lorsque nous lisons ce passage du IVème évangile
(Jean 13,31-17,26), nous pouvons avoir l’impression qu’il y a des répétitions,
des redondances, mais chaque passage ajoute sa pierre pour construire
l’ensemble et faire progresser tous ceux qui liront ce texte. Jésus y
parle de sa glorification et y agrège ses disciples, non seulement ceux
qui étaient présents à la Cène mais tous ses disciples à venir.
Jésus délègue ceux qui croiront en Lui pour prendre sa place dans le
monde. Lourde responsabilité ! Impossible si nous ne sommes pas en
communion avec le Père de la même façon que le Fils ; c’est pourquoi,
dans sa prière, Jésus demande à ce que nous ayons la même gloire que la
sienne, une gloire qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu.
Le Christ a glorifié le Père en « accomplissant l’œuvre qui lui
avait été confiée » (cf. Jean 17,4) ceux qui lui sont configurés
par le Baptême doivent glorifier le Père en accomplissant l’œuvre qui
leur est confiée aujourd’hui.
Saint Jean précise l’œuvre qui est demandée aux croyants en explicitant
celle du Christ : « Je leur ai donné les paroles que tu m’avais
données : ils les ont reçues. » les chrétiens reçoivent
la Parole de Dieu, inscrite dans la Bible et la Tradition de l’Eglise ;
ce n’est pas pour la garder égoïstement mais au contraire la donner gratuitement
autour de nous comme le Christ l’a partagée à tous ceux qui voulaient
l’entendre.
L’annonce du Royaume de Dieu n’est pas l’apanage d’une élite, ni une
question de connaissance, il suffit de recevoir la Parole de Dieu et de
la transmette. Il appartient à certains de rédiger des ouvrages de théologie
ou d’exégèse dans le silence d’un bureau, à d’autres d’aller au loin en
quittant tout, mais à tous il est demandé d’être dans le monde, présents
aux autres hommes et femmes et, comme le Christ, de les aimer tels qu’ils
sont !
Père JeanPaul Bouvier
Curé de la Paroisse Notre Dame de Nesle
& modérateur de la Paroisse sainte Radegonde d’Athies
|
12 mai 2024
Maison Marie-Thérèse
Retour en haut de la page
n°1385
|
Choix de Dieu
Tous les disciples qui ont suivi le Christ ne sont pas invités à participer
à la sélection pour remplacer Judas et devenir Apôtre avec les Onze que
Jésus avait choisi lui-même. Le Collège des Apôtres commence par faire
une enquête préliminaire : « il y a des hommes qui nous ont
accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous »
(v. 21) Ces critères sont très restrictifs, il ne s’en dégage que deux,
Matthias et Barsabbas mais ces deux-là sont des témoins fiables :
ils ont vu les actions, ils ont entendu les enseignements de Jésus et
ils ont assisté aux controverses contre les pharisiens et contre les saducéens.
Le nombre symbolique de douze devant être respecté les Apôtres ont recours
à une méthode qui est habituelle dans la tradition biblique : le
tirage au sort.
Lors de l’organisation du culte hébreu dans le désert, Dieu prescrit
de construire une ‘Tente de la Rencontre’ à l’image de celle que
Moïse a vue dans les visions du ciel. Dans le but d’avoir un sanctuaire
au milieu de son peuple, comme celui-ci le Seigneur habitera un temple
de toile avec son trône, l’Arche d’Alliance, dans le Saint des saints.
La description détaillée de la vêture du grand Prêtre Aaron lors des cérémonies
il est précisé que dans le pectoral orné de douze pierres fines au nom
des tribus d’Israël Moïse doit placer le ‘Ourim’ et ‘Toummim’
qui servent lorsque Aaron a besoin de consulter Dieu (par exemple lors
du choix particulier du bouc pour le Seigneur et celui ‘pour
Azazel – Lévitique 16,5-10)
Tout au long de la Bible les instruments de tirage au sort sont utilisés.
Dans le Nouveau Testament la pratique continue : « [Zacharie]
fut désigné par le sort, suivant l’usage des prêtres, pour aller offrir
l’encens dans le sanctuaire du Seigneur. » (Luc 1,9) De cette
façon Dieu appelle Zacharie pour lui annoncer la naissance et le rôle
de son fils.
A la mort des Apôtres, il n’y a plus personne qui puisse prétendre à
prendre place dans leur groupe, les conditions imposées à Matthias et
Barsabbas ne peuvent plus être remplies. L’organisation de l’Eglise naissante
va donner de nouveaux critères pour désigner les responsables des communautés
locales : « Le responsable doit être irréprochable, époux
d’une seule femme, un homme sobre, raisonnable, équilibré, accueillant,
capable d’enseigner, ni buveur ni brutal mais bienveillant, ni querelleur
ni cupide. » (1Timothée 3,2-3)
Nous ne cherchons pas aujourd’hui à nous incorporer au groupe des Apôtres,
d’ailleurs nous ne correspondons pas aux conditions. Nous n’avons pas
suivi Jésus sur les routes de Palestine mais la foi remplace la marche ;
nous n’avons pas entendu les enseignements du Christ mais l’Esprit Saint
nous permet de pénétrer les écrits bibliques mieux que l’audition. Dans
notre vie, il y a des évènements qui sont qualifiés de ‘hasard’
mais qui se révèlent plus tard avoir été de véritables appels du Seigneur.
Ces appels successifs construisent notre relation à Dieu et par voie de
conséquence notre relation au monde. Si nous sommes parfois réticents
à suivre ces appels, faisons confiance. « Votre Père sait de quoi
vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. » (Matthieu
6,8)
Père JeanPaul Bouvier
Prêtre retraité – curé émérite
|