9 juin 2013
Secteur Vermandois
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Un fils unique
Le miracle effectué par le prophète Elie chez la femme de Sarepta (1Rois
14,17-24) est identique à celui que fait Jésus lorsqu’il croise un convoi
funèbre à l’entrée de la ville de Naïm (Luc 7,11-17) : la réanimation
d’un jeune homme, fils d’une veuve.
Au Moyen-Orient, aussi bien à l’époque d’Elie qu’au temps de Jésus (et
peut-être encore maintenant) la femme n’avait d’existence que par rapport
à l’homme dont elle dépendait : son père et si celui-ci venait à
disparaître avant son mariage son frère le plus vieux (même si ce frère
était plus jeune qu’elle) puis son mari et si elle devenait veuve de son
fils aîné. Si le couple n’avait pas eu d’enfant, la loi du ‘Lévirat’
(cf. Deutéronome 25,5-7) imposait à un des frères du mari de donner une
descendance à son frère.
Une veuve dont le fils unique venait à mourir n’avait plus d’existence,
elle était dépendante du bon vouloir de la famille de son mari (beau-père
ou beau-frère) si elles étaient rejetées beaucoup devenaient des mendiantes
sans ressources. Au moment de mourir sur la Croix, Jésus évite cet avenir
funeste à sa mère : « Jésus donc voyant sa mère et, se tenant
près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: "Femme, voici
ton fils." Puis il dit au disciple: "Voici ta mère." Dès
cette heure-là, le disciple l'accueillit chez lui. » (Jean 19,26-27)
En réanimant le fils unique d’une veuve Elie et Jésus ont fait beaucoup
plus que de rendre un enfant à l’amour d’une mère éplorée, ils lui ont
rendu en même temps un statut social et une dignité qu’elles avaient perdus.
Cet aspect est une des constantes des miracles effectués sur des personnes :
à côté du retour à la santé, il y a le retour à une vie normale dans la
société : l’aveugle de Jéricho (cf. Luc 18,35sv.) les lépreux (e.g.
Matthieu 8,2sv.) les paralytiques (e.g. Marc2,3sv.) la femme courbée (cf.
Luc 13,11sv.) ils réintègrent leur dignité d’hommes et de femmes debout
tels que Dieu les a voulus lors de la Création, à l’image de Dieu (cf.
Genèse 1,27)
Nous n’avons sans doute pas la foi du prophète Elie, ni la puissance
du Fils de Dieu et nous ne faisons pas de miracles en rendant la santé
à des malades et des infirmes, mais une chose est dans nos possibilités :
rendre la dignité à ceux qui l’ont perdue, considérer les hommes et les
femmes comme le Christ les voit et les guider vers une restauration de
leur humanité, mais comme Benoît XVI nous y a invité dans son encyclique
faire ‘La charité dans la Vérité’ (Caritas in veritate 29
juin 2009)
Père JeanPaul Bouvier
Curé in solidum du secteur Vermandois
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5 juin 2016
Secteur Vermandois
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n°877
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Compassion et Miséricorde
Les Ecritures utilisent souvent le mot compassion pour montrer à quel
point Dieu aime les hommes. Etymologiquement ce mot signifie ‘souffrir
avec’. En venant dans notre Chair, le Fils éternel du Père a accepté
la souffrance physique, en particulier dans la Passion, souffrance par
excellence puisqu’elle est aussi bien souffrance corporelle par les supplices
qui ont été infligés au Christ (flagellation, couronne d’épines, coups,
crucifixion) que souffrance morale car il était torturé et insulté par
ceux qu’il venait sauver du péché et de la mort. « Ne fallait-il
pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
(Luc 24,26)
Mais dans sa vie terrestre, Jésus a aussi souffert en voyant la détresse
des personnes qu’il rencontrait : « Voyant les foules, Jésus
fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées
et abattues comme des brebis sans berger. » (Matthieu 9,36) Voyant
cette veuve éplorée qui porte en terre son fils unique, il ne reste pas
indifférent : « Et Jésus le rendit à sa mère. »
(v. 7,15b)
Même à Nazareth où les habitants doutent que cet homme qu’ils reconnaissent
comme le ‘fils du charpentier’ et dont ils connaissent la famille
puisse être le Messie, ‘Jésus ne fit aucun miracle’ mais compatissant
aux souffrances des personnes qui venaient à lui, il montre qu’il n’y
est pas insensible : « il guérit seulement quelques malades
en leur imposant les mains. » (Marc 6,5)
Au soir du Jeudi Saint, après avoir lavé les pieds de ses disciples Jésus
leur dit : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que
vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » (Jean
13,15) Il ne parlait pas seulement de l’acte qu’il venait de faire en
prenant le rôle des serviteurs mais aussi d’imiter toute sa vie faite
de miséricorde et de compassion, il demande à ses Apôtres d’être attentif
aux personnes et en particulier aux plus vulnérables en les considérant
comme des frères et sœurs de Dieu le Fils : « chaque fois
que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à
moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25,40)
En perdant son fils unique, cette femme avait perdu son identité et sa
place dans la société. « Et Jésus le rendit à sa mère. »
en même temps que son enfant, il rend son existence et sa dignité à cette
femme. Voyant cela, « Tous rendaient gloire à Dieu ! »
(v.7,16)
Nous ne n’avons sans doute pas assez de foi pour ressusciter des morts,
mais nous devrions en avoir assez pour rendre aux personnes démunies par
les accidents de la vie leur dignité et leur place dans la société. Trop
souvent découragés – voire agacés – par l’abondance des demandes, nous
détournons le regard et nous ne participons plus aux actions caritatives.
Le Christ a su discerner la détresse de cette femme sans que personne
ne lui demande de l’aide ; nous ne devrions pas attendre des sollicitations
mais avoir le regard assez aiguisé pour les voir et agir sans qu’il y
ait besoin de paroles.
Père JeanPaul Bouvier
Curé in solidum du secteur Vermandois
administrateur des paroisses de Nesle et Athies
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