10 février 2002
Forces Armées de Guyane
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Carnaval
Ce week-end précède le mercredi des cendres qui marquera
la fin du carnaval 2002. En regardant les recensions qui ont été
montrées à la télévision, le chrétien
peut penser que la société est bien loin du chemin qui mène
à Dieu.
Mais en y regardant de plus près n'est-ce pas une caricature,
un peu outrancière, de la vie en société, où
chaque personne - pourtant à visage découvert - masque sa
personnalité profonde en jouant sur les apparences ? Peu de personnes,
y compris nous-mêmes, laissent voir ce qu'elles sont réellement
; le qu'en dira-t-on est une menace permanente, comme une épée
de Damoclès sur nos têtes.
Si cela est vrai dans notre vie quotidienne, cela est encore plus vrai
dans notre vie spirituelle et dans notre façon de vivre l'évangile
devant le regard des autres. Trop souvent, nous hurlons avec les loups
alors que nous devrions annoncer l'Evangile à temps et à
contre-temps ; nous nous rangeons à l'opinion commune pour ne pas
sembler hors du temps présent et déconnectés de la
société alors que les exigences de l'Evangile nous appellent
à être des éveilleurs et à construire une société
plus juste, plus humaine et plus spirituelle.
Non seulement nous nous déguisons en gens normaux au lieu d'arborer
fièrement notre christianisme, mais nous prenons dans les textes
bibliques et dans la tradition de l'Eglise ce qui nous arrange, ce qui
nous permet, en particulier, de feindre d'ignorer le grand commandement
: Aimer Dieu par dessus tout et aimer son prochain comme soi-même.
Or la Bible ou les textes ne l'Eglise ne sont pas un marché où
nous ne prendrions que ce qui nous est utile dans l'immédiat, c'est
un tout indivisible. Etre chrétien, c'est s'engager dans les pas
du Christ, c'est accepter d'être mal vu comme il l'a été,
d'être aussi mal compris que lui, d'être rejeter par ceux
que nous aimons, d'être trahi par celui à qui nous avons
fait confiance.
Le Carême, temps de conversion, va débuter cette semaine.
Si nous faisions spirituellement ce que font les touloulous et tololos
physiquement : rangeons nos oripeaux et oublions-les au fond d'une malle
pour être nous-mêmes, pour nous ouvrir à l'Esprit Saint
qui, seul, peut nous permettre d'être nous-mêmes : des hommes,
des femmes, images de Dieu, debout, fiers de notre condition que le Fils
de Dieu a voulu partager avec nous.
Bien sûr, au long de l'année les déguisements reviendront,
mais moins chargés, moins voyants, moins opaques et de Carême
en Carême, nous parviendrons à la porte où nous attend
le Bon Berger.
Père JeanPaul Bouvier
Aumônier Catholique des Forces Armées en Guyane
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6 février 2011
Fort Neuf de Vincennes
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Ce n’est pas le langage de la sagesse !
En développant sa pensée sur l’annonce de l’Evangile, saint Paul insiste
sur le côté spirituel de cette annonce : ce ne sont pas les grands
discours bien bâtis et argumentés qui convertissent mais bien la pratique
de la foi et la communion avec le Rédempteur.
L’Eglise a besoin, et a eu besoin tout au long des siècles, de théologiens
pour affiner la profession de foi face à de mauvaises interprétations ;
les Conciles ont apporté leur pierre à cette construction dogmatique ;
les diverses publications du Vatican ont également contribué à éclaircir
et à fixer certains points qui pouvaient prêter à confusion.
Ce n’est pas en lisant la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin ou
les arguties de saint Augustin lors de la Conférence de Carthage que nous
nous sommes convertis, c’est la rencontre personnelle avec le Seigneur
Jésus qui nous a permis d’entrer et de progresser sur le chemin du Royaume.
Souvent, nous développons des discours qui ne peuvent pas être reçus
parce que notre vie est en contradiction avec les mots que nous prononçons.
C’est un appel – une fois de plus – à la conversion personnelle :
c’est en vivant concrètement l’Evangile que son annonce se fera ;
comme le dit saint Paul aux Corinthiens : « c’est l’Esprit
et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi ne repose pas
sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (2,5)
Jésus lui-même dit à ses disciples : « ne vous préoccupez
pas de ce que vous direz, mais dites ce qui vous sera donné sur le moment:
car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit Saint. » (Marc
13,11) C’est en vivant de la Parole de Dieu et par elle que nous annoncerons
efficacement le message du Salut proposé à toute l’humanité.
En vivant régulièrement les Sacrements que le Seigneur a laissés entre
les mains de ses Apôtres, nous recevons cet Esprit Saint qui nous a été
promis ; la Grâce d’état qui nous est enseignée par l’Eglise
est le don et l’engagement du Père pour nous permettre de vivre avec Lui
et par Lui dans les circonstances présentes.
Aujourd’hui, comme à l’époque de saint Paul, nous passons pour fous d’être
chrétiens, davantage encore si nous nous affirmons comme des personnes
qui essaient de vivre selon les préceptes de l’Evangile ; cela semble
tellement déraisonnable ! Pourtant, malgré l’esprit anti-chrétien
qui souffle actuellement sur le monde et les persécutions manifestes ou
insidieuses, il n’y a jamais eu autant de demandes de Baptême d’adultes
dans les siècles récents.
« N’ayez pas peur ! » (Matthieu 17,7 & Jean
6,20) N’ayez pas peur de vous montrer fous dans ce monde qui l’est encore
davantage ! Rivarol (1753-1801) disait ironiquement pour son siècle :
« Avoir raison vingt quatre heures avant tout le monde, c’est
passer pour fou pendant vingt quatre heures » Cela fait vingt
siècles que les chrétiens passent pour fous !
Père JeanPaul Bouvier
Aumônier du Fort Neuf de Vincennes
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9 février 2014
Secteur Vermandois
n°729
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Combler les désirs du malheureux
Le Seigneur inspire au prophète quelques pistes pour vivre en fidèle
de Dieu : partager son pain avec l’affamé, accueillir l’isolé, vêtir
le démuni. Mais il précise aussi les conditions dans lesquelles doit s’exercer
ces œuvres charitables : ‘donner de bon cœur’ et ‘combler
les désirs du malheureux’.
‘Donner de bon cœur’ signifie que le donateur accepte de se séparer
totalement de ce qu’il donne, c'est-à-dire ne pas demander des comptes
sur ce qui est donné : celui qui reçoit est libre de faire ce qu’il
veut avec ce qu’il a reçu. Un don est un don, si la main gauche ignore
ce que donne la main droite, à fortiori les autres hommes ignorent ces
gestes charitables y compris ceux qui en bénéficient, seul le Seigneur
doit connaître cette action (cf. Matthieu 6,3-4) Trop souvent nous désirons
suivre le chemin qu’emprunte la ‘bonne action’ que nous avons faite :
elle n’est pas ‘donnée de bon cœur’.
La seconde prescription, ‘combler les désirs du malheureux’ est
encore plus précise que la précédente. Il ne s’agit pas de donner ce que
nous voulons mais de rechercher quels sont les désirs de celui qui est
secouru : ce n’est pas l’estimation du bienfaiteur qui compte mais
le désir du malheureux. Jésus lui-même ne demande-t-il pas à l’aveugle
qui mendiait à l’entrée de Jéricho : « Que veux-tu que je
fasse pour toi ? » (Luc 18,41) lui laissant le libre choix
de l’aide qu’il lui demandait en criant « Fils de David, aie pitié
de moi ! » (Luc 18,39)
Ces deux indications que le Seigneur donne aux croyants sont tournées
vers le même but : restaurer le malheureux dans la totalité de sa
personne humaine en lui donnant les moyens d’être libre et responsable
de ses décisions. Pour le chrétien cela signifie chercher à connaître
l’autre – sans le juger – pour réponde au mieux à ses aspirations, c’est
ainsi que nous pourrons appliquer la demande du Christ : « Je
vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres ;
comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. »
(Jean 13,34)
« La charité dépasse la justice, parce que aimer c’est
donner, offrir du mien à l’autre ; mais elle n’existe jamais sans la justice
qui amène à donner à l’autre ce qui est sien, c’est-à-dire ce qui lui
revient en raison de son être et de son agir. Je ne peux pas ‘donner’
à l’autre du mien, sans lui avoir donné tout d’abord ce qui lui revient
selon la justice. Qui aime les autres avec charité est d’abord juste envers
eux. Non seulement la justice n’est pas étrangère à la charité, non seulement
elle n’est pas une voie alternative ou parallèle à la charité: la justice
est ‘inséparable de la charité’ » (Benoît XVI ‘Caritas in
veritate’ introduction)
Père JeanPaul Bouvier
Curé in solidum du secteur Vermandois
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5 février 2017
Paroisses Nesle & Athies
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n°921
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Le Messie crucifié
Saint Paul, bien qu’il ait été formé par les plus grands rabbins du judaïsme
(cf. Actes 22,3) ne veut pas mettre en avant ses connaissances en matière
de l’Ecriture ou de la Loi de Moïse : seul le Christ compte à ses
yeux. Lors de l’évangélisation de la ville d Corinthe, il n’a pas cherché
à tirer avantage de ses qualités de rhéteur pour convaincre avec une argumentation
philosophique, sa prédication est une transmission de la foi : « J’ai
moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis. »
(1Corinthiens 11,23)
Tout au long des deux épîtres aux Corinthiens, saint Paul souligne que
la faiblesse des prédicateurs est la preuve que leurs paroles ne viennent
pas d’eux-mêmes mais de la Puissance de l’Esprit Saint qui inspire les
personnes et leurs discours. En cela la personnalité du porteur de la
Bonne Nouvelle n’a pas d’importance : seule la délivrance du message
compte.
S’adressant en premier dans les synagogues à des personnes imprégnées
du judaïsme, il était pourtant difficile d’annoncer que celui qui affirme
être le Messie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce
que le Seigneur m’a consacré par l’onction. […] Alors il se mit à
leur dire : ‘Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que
vous venez d’entendre’. » (Luc 4,18a.21), l’envoyé de Dieu, a
été rejeté par ceux-là mêmes qui l’attendaient depuis des siècles. Comment
croire en un Messie crucifié ?
La confiance de saint Paul dans l’inspiration que le Seigneur lui donne
est une source de réconfort pour nous. Notre époque n’est pas meilleure
que celle de cette lettre, au moins saint Paul s’adressait-il à des personnes
connaissant l’Ancien Testament ! Notre temps est dans l’ignorance
de l’Ecriture ; les prophéties ne sont plus présentes dans la pensée
de nos contemporains, mais l’Esprit Saint inspire tous ceux qui désirent
ardemment porter l’Evangile à la portée de tous avec les mots qui conviennent
aux auditeurs.
Nous aussi, « dans la faiblesse, craintif et tout tremblant »,
nous nous présentons devant nos frères et sœurs ne voulant rien connaitre
d’autre que « Jésus Christ, ce Messie crucifié ». La
grâce qui nous est donnée d’être enfants de Dieu par le Baptême et Apôtres
par la Confirmation permet à chacun d’annoncer – à sa façon et selon ses
capacités – que Dieu le Fils est venu pour sauver l’humanité. Notre foi
invite à la confiance, notre Dieu, Père, Fils et Esprit ne nous abandonne
pas, au contraire il s’est engagé à être près de nous : « Le
Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera
tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
(Jean 14,26) En laissant agir l’Esprit, nous sommes de véritables témoins
et évangélisateurs de notre temps.
Père JeanPaul Bouvier
Curé de la paroisse Notre Dame de Nesle
& Modérateur de la paroisse sainte Radegonde d’Athies
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9 février 2020
Paroisses Nesle & Athies
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n°1129
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Vous êtes le sel de la terre
Même s’il est toujours inscrit dans le rituel romain, le geste du sel
a disparu de nos célébrations du Baptême. Après la lecture de la Parole
de Dieu et la petite homélie, le prêtre impose la main sur le futur baptisé
pour lui donner la force du Christ face aux péchés, puis il est prévu
qu’il dépose quelques grains de sel sur la bouche en redisant les paroles
de Jésus : « Vous êtes le sel de la terre ! »
(v.13). A l’époque de Jésus, et encore maintenant dans les pays tropicaux,
le sel est essentiel à la Vie dont il est un des symboles mais aujourd’hui
sous nos latitudes l’excès de sel est perçu comme néfaste voire mortel ;
c’est pourquoi certaines églises nationales préfèrent s’abstenir de faire
ce geste dans le Sacrement du Baptême car il serait pris à contresens
de ce qu’il veut signifier.
A l’image du sel, l’autre parole de Jésus : « Vous êtes
la lumière du monde ! » (v.14) a également perdu beaucoup
de sa puissance pour nos contemporains. La faible flamme d’une lampe à
huile ou d’une bougie paraît insignifiante quand nous pouvons faire jaillir
une lumière intense en appuyant sur un simple bouton électrique.
Parallèlement à ces interprétations dévalorisantes, ces symboles restent
forts dans la conscience humaine : le sel garde l’aspect métaphorique
de ce qui donne du goût aux aliments et du sens à la parabole dont les
lecteurs sont invités à ‘gouter tout le sel’ ; la lumière
est celle qui guide et qui éclaire dans les recherches, ‘cet homme
est une lumière dans sa partie’. Ainsi appliquées à l’Evangile ces
notions font comprendre que les disciples du Christ sont ceux qui donnent
son sens à la Création et ceux qui guident le monde vers l’amour de son
Créateur.
La suite de ces comparaisons est une alerte pour les chrétiens :
« si le sel devient fade » c'est-à-dire s’ils considèrent
l’Evangile comme un simple document d’archive et non plus comme la Parole
de Dieu qui est une révélation toujours dynamique, le monde n’a plus de
sens ; si la lumière est cachée, l’homme se perd dans les ténèbres
sans repères.
Nous ne sommes ni le sel ni la lumière : « Le Verbe était
la vraie lumière ! » (Jean 1,9) mais comme Jean-Baptiste
« nous rendons témoignage à la lumière. » (Jean 1,8)
Nous donnons le sens à notre siècle comme ceux qui nous ont précédés et
qui nous ont transmis fidèlement non seulement la Parole mais aussi la
façon de l’annoncer : avec goût et dans clarté du Seigneur.
Père JeanPaul Bouvier
Curé de Notre Dame de Nesle
Modérateur de sainte Radegonde
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