saint Marc (+ #67) |
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Eglise universelle
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« L’éclat de la piété brilla tellement dans les esprits des auditeurs de Pierre qu’ils ne tinrent pas pour suffisant de l’avoir entendu une fois pour toutes, ni d’avoir reçu l’enseignement oral du message divin, mais que, par toutes sortes d’instances, ils supplièrent Marc, dont l’évangile nous est parvenu, et qui était le compagnon de Pierre, de leur laisser un monument écrit de l’enseignement qui leur avait été transmis oralement : ils ne cessèrent pas leurs demandes avant d’avoir contraint Marc et ainsi ils furent la cause de la mise par écrit de l’évangile appelé ’selon saint Marc’. » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique II,XV,1) Qui était ce Marc ? « Alors Pierre, revenant à lui, dit: "Maintenant je sais réellement que le Seigneur a envoyé son Ange et m'a arraché aux mains d'Hérode et à tout ce qu'attendait le peuple des Juifs." Et s'étant reconnu, il se rendit à la maison de Marie, mère de Jean, surnommé Marc, où une assemblée assez nombreuse s'était réunie et priait. Il heurta le battant du portail, et une servante, nommée Rhodé, vint aux écoutes. Elle reconnut la voix de Pierre et, dans sa joie, au lieu d'ouvrir la porte, elle courut à l'intérieur annoncer que Pierre était là, devant le portail. On lui dit: "Tu es folle !" Mais elle soutenait qu'il en était bien ainsi. "C'est son ange !" dirent-ils alors. Pierre cependant continuait à frapper. Quand ils eurent ouvert, ils virent que c'était bien lui et furent saisis de stupeur. Mais il leur fit de la main signe de se taire et leur raconta comment le Seigneur l'avait tiré de la prison. Il ajouta: "Annoncez-le à Jacques et aux frères." Puis il sortit et s'en alla dans un autre endroit. » (Actes 12,11-17) D’après ce récit, Marc appartient à une famille assez riche : sa mère possède une grande maison où peuvent se réunir de nombreux chrétiens pour prier et elle peut entretenir – au moins – une servante. Pierre connaît bien cette maison puisqu’il y va se réfugier dès sa sortie miraculeuse de prison de Jérusalem en 43 A.D Par conséquent, dès son jeune âge, Marc a dû bien connaître les souvenirs de Pierre. Marc n'était certainement pas un des douze Apôtres – son nom ne figure dans aucune liste – mais il ne fait aucun doute qu’il était très connu parmi les premiers groupes de chrétiens comme grand ami de Pierre qu’il suivra à Rome (cf. Colossiens 4,10 ; 1Pierre 5,13 ; 2Timothée 4,11) Il est assez naturel d'identifier ce Marc avec le Marc dont parle Eusèbe de Césarée A trois reprises, dans les Actes des Apôtres un certain « Jean, aussi appelé Marc » est mentionné (Actes, 12,12.25 ; 15,37) comme étant un ami intime de Barnabé. Mais le Marc de l'épître aux Colossiens (4,10) est décrit comme étant le cousin de Barnabé. Les exégètes sont d'accord pour dire que le Marc dont il est question dans les Épîtres, le « Jean Marc » des Actes et l'auteur du second Evangile sont une seule et même personne. Deux ans après la libération de Pierre, en 45, nous retrouvons Marc en compagnie de Barnabé et Paul, lors du premier voyage missionnaire de celui-ci; mais il refusa de les suivre lorsqu'ils partirent pour le Nord de la Tauride, et il retourna chez lui (Actes 13,13) saint Paul en fut mécontent. Il déclina la proposition de Barnabé de prendre Marc avec eux lors de leur second voyage (en 50), mais Barnabé prit parti pour son cousin et s'embarqua avec lui pour Chypre, pays natal de Barnabé (Actes 15,36-39) Nous n'entendrons plus parler de Marc jusqu'en 61, date à laquelle il se trouvait à Rome en compagnie de Paul, et où la brouille était incontestablement terminée On ne sait pas s'il partit alors pour Colosses, dans le sud-ouest de l'Asie mineure, pour recevoir l'accueil bienveillant que Paul avait demandé aux Colossiens de lui réserver : « Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé, au sujet duquel vous avez reçu des instructions: s'il vient chez vous, faites-lui bon accueil. » (Colossiens 4,10) En tout cas, Marc était à Rome trois ans plus tard (64) puisque saint Pierre, dans sa première épître, joint ses salutations aux siennes,, le nommant affectueusement « Marc, mon fils » (1Pierre 5,13) Ce fut l'année du martyre de Pierre et sans doute est-ce à cette époque, ou très peu de temps après que Marc écrivit son Évangile, à Rome semble-t-il, répondant à la demande pressante des chrétiens pour conserver la prédication de Pierre. En 67, l'évangéliste était à Éphèse puisque Paul, dans une lettre qu'il écrivit quelques mois avant sa mort, demandait à Timothée de ramener Marc à Rome avec lui (2Timothée 4,11) Le vieux différend était alors complètement oublié. Voilà pour le témoignage du Nouveau Testament; pour le reste nous devons nous en remettre à une tradition hésitante. Il est probable, mais non certain, que Marc prêcha à Alexandrie après la mort de Pierre; il est par contre tout à fait incertain qu'il ait été le fondateur et le premier évêque de cette Eglise (Clément et Origène, les grands docteurs de l'Eglise d'Alexandrie, ne le mentionnent pas) Il n'y a aucune autorité très digne de confiance pour appuyer le récit du Chronicon Pascale (d'une date incertaine : IVème ? VIIème siècle ?) selon lequel Marc devint évêque d'Alexandrie et subit le martyre du feu sous le règne de Trajan (98-117) S'il est vrai que l'on peut juger du tempérament d'un écrivain d'après son style, nous connaissons fort bien Marc. Une réserve préliminaire doit cependant être faite : l'aspect débordant de vie du récit, caractéristique du second Évangile, révèle un témoin oculaire, mais celui-ci est Pierre et non Marc. Cependant, il est possible que Marc ait été témoin de l'arrestation de Notre-Seigneur; on peut même supposer qu'on peut l'identifier au jeune homme anonyme qui « s'enfuit tout nu » (cf. Marc 4,51-52) Marc 'est un écrivain qui rédige les souvenirs de Pierre et sa note personnelle est perceptible d'un bout à l'autre. Elle nous le montre comme un homme avare de mots (673 versets contre 1068 dans l'Evangile de saint Matthieu) et au style peu raffiné. Il lui arrive de mélanger les temps des verbes; il emploie à l'excès la conjonction « et » comme le ferait un simple conteur, et il utilise avec une surprenante liberté le très familier présent historique — Luc, dans un Evangile deux fois plus long, ne l'utilise que dix fois alors que chez Marc on le rencontre cent cinquante fois. On le dirait trop pressé ou incapable d'élégance littéraire. Et cependant, si ce sont là certainement des défauts, Marc possède par contre la qualité correspondante : une sincérité brusque. Il refuse obstinément d'atténuer des faits embarrassants, et même de les expliquer. Par exemple : aucun des évangélistes ne cache que les Apôtres avaient la compréhension lente, mais saint Marc fait des digressions pour le souligner : «... leur cœur était aveugle » dit-il (6,52) — au même endroit saint Matthieu observe un discret et charitable silence. Marc ne déguisera pas non plus leur peu honorable ambition : « Eux se taisaient, car en chemin ils avaient discuté entre eux qui était le plus grand. » (9,34) Pierre lui-même n'est pas à l'abri de cette façon sans détour de dire les choses; et lui aussi est traité d'esprit lourd (9,6, Matthieu omet ce détail !). Mais peut-être la preuve la plus frappante de l'honnêteté irréprochable de Marc est que, pour préserver la fidélité de son récit, il est prêt à risquer de se contredire en apparence. Il ne fait aucun doute que Jésus est pour lui le Fils de Dieu dans le sens intégral du terme — II est au-dessus des anges (13,32), remet les péchés (2,10), etc. —, et cependant, de tous les évangélistes seul Marc n'hésite pas à dire de Notre-Seigneur à Nazareth que « II ne put y faire aucun miracle » (6,5) Il ne cache pas non plus le fait que même les proches de Notre-Seigneur le soupçonnèrent d'imprudence ou pire : « Il vient à la maison et de nouveau la foule se rassemble, au point qu'ils ne pouvaient pas même manger de pain. Et les siens, l'ayant appris, partirent pour se saisir de lui, car ils disaient: "Il a perdu le sens." » (3,20-21), que les espoirs du Christ concernant le figuier furent déçus (9,13) Des détails de ce genre ne portent pas atteinte au titre de Marc : « Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu » mais présentent un aspect des difficultés traversées qu'il dédaigne de cacher ou de supprimer.
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